Paris (75004)

Memory Lane : Contemporary Art Scene from Bosnia and Herzegovina

| Du au

Memory Lane est une exposition réunissant des artistes de Bosnie-Herzégovine, y vivant ou y ayant vécu. Certains, les plus nombreux, habitent Sarajevo, les autres sont de Banja-Luka, Trebinje, Pristina, New-York, Paris, Berlin et la Nouvelle-Orléans. L’exposition, qui emprunte son titre à une œuvre d’Adela Jušić, rassemble des artistes qui de façon ponctuelle ou permanente explorent diversement la question, plurielle, de la mémoire individuelle et collective.

Memory Lane propose une immersion dans la mémoire des Balkans, et particulièrement de la Bosnie Herzégovine, pays construit et reconstruit sur les ruines d’une histoire commune et sur des mémoires séparées comme autant, pour dire après Borgès, de sentiers qui bifurquent. Une exposition de mémoires, de sentiers et de chemins contradictoires, de lieux réels et de passages entre fiction et documentaire, une exposition collective qui présente les trajectoires singulières d’artistes significatifs de la « scène bosnienne », scène artistique dont l’existence est ici mise est en question.

Cette question réunit des artistes dont l’appartenance à un pays, la Bosnie, est une autre question, partant que l’émigration est le lot de certains (physiquement et mentalement) et que la Bosnie comme nation est une question toujours non résolue. La mémoire, personnelle et collective, est le lieu où se posent ces questions, où s’affrontent certaines réponses, où naissent certains mots et certaines images, certaines idées, où se décante le sens des souvenirs, où se traduit le sens des documents matériels, et prend forme un certain état des lieux. La mémoire est un pays de réserve qui double le pays réel et le réfléchit de multiples façons. La guerre qui a ravagé la Bosnie-Herzégovine entre 92 et 95 a saisi les artistes de cette exposition dans leur enfance ou leur jeunesse. Ils y retournent dans un double mouvement de remémoration et de projection : la mémoire est aussi ce qui informe le présent et ce qui conditionne l’avenir, comme le rappelle la phrase de Paul Garde citée en exergue.

Il est donc question ici d’un certain « travail de mémoire », nécessairement pluriel et composite, hétérogène, qui produit des œuvres dans le temps d’un après-guerre où les institutions du pays sont empêchées de faire l’histoire, de rendre justice, de concilier les mémoires, et ainsi de construire un futur partagé. Si les artistes participent de cette avant-garde d’une société civile qui engage résolument ce travail, précédant les autorités qui gouvernent et administrent, ils et elles le font avec des moyens qui excèdent la politique ou la déplacent. Il s’agit bien de proposer de nouvelles perceptions du réel, en explorant ce qui le creuse : sa mémoire, ses images rémanentes, son refoulé. Dans un autre contexte d’après-guerre, toutes choses inégales par ailleurs, des artistes qui ont peu en commun se réunissent et déclarent « Les nouveaux réalistes ont pris conscience de leur singularité collective. Nouveau Réalisme = nouvelles approches perceptives du réel. »

Le travail de mémoire que l’exposition veut donner à voir procède d’une pareille singularité collective et d’un même « réalisme » mosaïque. Les œuvres rassemblées ne sont pas des jugements, pas des monuments aux morts, pas des discours mémoriels convenus. Elles témoignent par des formes nettes, des associations d’éléments signifiants, sensibles, en appareil serré, d’une construction à l’œuvre. Elles explorent des lieux de mémoire qui sont aussi des surfaces de projection : espaces publics et privés, images médiatiques et archétypales, corps de l’artiste, objets trouvés, fantômes et symboles du passé proche.

Galerie Du Jour Agnès B.
44, Rue Quincampoix
75004 Paris 04
01 44 54 55 90