Avignon (84000)

Solitaritate de Gianina Cărbunariu

| Du au

Tout commence par le partage de la salle où le public est installé. Les acteurs négocient la propriété des rangées de fauteuils où nous, spectateurs, sommes assis, pions impuissants d’un jeu de rivalités et de stratégie. Bataille navale ? Monopoly® ? Il est largement question tout le long de la pièce de Gianina Cărbunariu de positions, postures, migrations, propriétés et du rapport privé/public. Des fonctionnaires y débattent sur la hauteur du mur – pardon, de la ligne de démarcation – qui, dans la ville de Baia Mare, séparera la population « historique » de la communauté rom. Un couple pèse les avantages et les inconvénients du recours aux services d’une nounou philippine pour les soutenir à la maison. Une icône du théâtre décédée – Eugenia Ionesco –, rejoindra le cimetière du peuple après la vente de sa prestigieuse concession par son fils. En cinq séquences, Gianina Cărbunariu développe une radiographie sévère de la classe moyenne citadine roumaine. Celle-ci y apparaît obnubilée par la réussite à l’européenne, négligeant son histoire et ses singularités pour parvenir aux standards de vie promus par les médias et par Bruxelles. Maniant avec brio la caricature et l’ironie, Gianina Cărbunariu répond à la commande faite par le projet Villes en Scène/Cities on Stage et livre un grand spectacle politique, critique à l’égard de son propre pays, mais aussi de toute l’Europe.

Née en 1977, Gianina Cărbunariu s’est formée dans la Roumanie postcommuniste. En 2002, à l’issue de son cursus à l’Académie nationale de théâtre de Bucarest, elle crée avec quelques compagnons dramAcun, une structure qui souhaite renouveler en profondeur le milieu théâtral roumain en valorisant les écritures contemporaines locales, contre les conservatismes formels et idéologiques. C’est dans ce contexte d’émulation qu’elle écrit, dans un premier temps pour ses comédiens deux pièces : Stop the Tempo, où trois jeunes gens, solitaires et perdus, entreprennent de faire sauter tous les plombs des boîtes de nuit, supermarchés, théâtres de leur ville, Kebab, sur le rêve européen et le départ des jeunes générations de Roumanie pour l’Irlande. Ces deux faces sont emblématiques du théâtre de Gianina Cărbunariu qui s’affiche brut, sans concession, oscillant entre énergie de la révolte et désillusion. Montées dans les théâtres du monde entier, ses pièces posent un regard alternatif sur la Roumanie contemporaine tout en nous interpellant, plus universellement, sur les représentations occidentales du progrès et de la réussite. Elles constituent aussi peut-être le germe d’un théâtre politique européen, venu de l’Est, qui reprend à bras-le-corps les questions du modèle d’intégration communautaire, des replis identitaires et de l’action collective.

Renan Benyamina, avril 2014

JOURNAL HORIZONTAL DE DAN PERJOVSKI
Des panneaux d’expression libre ont été créés par l’artiste Dan Perjovski, que les festivaliers peuvent découvrir et enrichir de leurs textes et illustrations, pour interroger la ville et la société contemporaine. Créé au Théâtre national de Sibiu en Roumanie, Journal horizontal accompagne la tournée de Solitaritate et s’inscrit dans le projet européen Moving Cities/Villes en Mouvement qui vise à renforcer les liens entre les citoyens et la création artistique.

19-27 juillet / Lycée Mistral, La FabricA et site Louis Pasteur de l’Université d’Avignon

Distribution
Texte et mise en scène Gianina Cărbunariu
Scénographie, lumière et vidéo Andu Dumitrescu
Musique Bogdan Burlăcianu
Chorégraphie Florin Fieroiu
Costumes Andrei Dinu

Avec Florin Coşuleţ, Ali Deac, Diana Fufezan, Adrian Matioc, Mariana Mihu, Ofelia Popii, Cristina Ragos, Ciprian Scurtea, Marius Turdeanu

Production
Production Théâtre National Radu Stanca Sibiu
Coproduction Théâtre National (Bruxelles), Festival d’Avignon
Avec le soutien du Programme Culture de l’Union européenne, dans le cadre du projet Villes en Scène/Cities on Stage, Fondation BNP Paribas