Un matin d’automne, dans un petit village des montagnes Šar, un berger fend le brouillard en portant sur son dos une meule de fromage enveloppée dans un linge rugueux. Ce fromage, vous ne le trouverez ni dans les rayons des supermarchés français, ni sur les plateaux des restaurants étoilés. Pourtant, il est le fruit d’un savoir-faire ancestral, transmis de génération en génération. Bienvenue en Macédoine du Nord, un pays méconnu dont les fromages racontent une histoire oubliée.
Un terroir sauvage et préservé
Coincée entre les Balkans et la Méditerranée, la Macédoine du Nord est un carrefour de cultures et de climats. Ses montagnes, ses vallées fertiles et ses pâturages d’altitude en font une terre idéale pour l’élevage ovin et caprin.
« Ici, les brebis mangent des herbes que personne ne cultive. Elles choisissent elles-mêmes leur menu », sourit Ilija, un fromager de la région de Mariovo. Cette biodiversité exceptionnelle se retrouve dans le goût des fromages : puissants, herbacés, parfois piquants.
Le pays compte plus de 40 variétés de fromages artisanaux, dont beaucoup ne franchissent jamais les frontières. Certains sont produits en quantités si faibles qu’ils demeurent inconnus même des Macédoniens eux-mêmes.
Bien plus que du sirenje
Le sirenje, un fromage frais en saumure proche de la feta, est sans doute le plus connu. Mais il n’est que la partie émergée de l’iceberg.
Dans les villages reculés, on fabrique encore le bien rare bienko sirenje, un fromage de brebis affiné dans des pots en argile scellés avec de la cire d’abeille. Ce procédé, vieux de plusieurs siècles, crée une pâte fondante au goût prononcé, légèrement fumé.
« C’est comme ouvrir un coffre oublié », raconte Marina, une gastronome locale. « L’odeur est puissante, presque animale, mais le goût est d’une douceur surprenante. »
Autre trésor : le kaškaval od ovčego mleka, un fromage à pâte dure, cousin du pecorino, affiné jusqu’à deux ans. Il est râpé sur les pâtes, mais aussi dégusté en tranches épaisses avec du miel de montagne.
Des techniques ancestrales en sursis
La fabrication de ces fromages repose sur des gestes simples, mais précis : traire à la main, chauffer le lait à feu doux, mouler dans des toiles de lin, affiner dans des grottes naturelles où la température ne dépasse jamais 12°C.
« Mon grand-père disait toujours : le fromage n’a pas besoin de machines, juste de patience », se souvient Aleksandar, berger dans la région de Debar.
Mais cette tradition est menacée. L’exode rural, la pression des normes sanitaires européennes et le manque de reconnaissance mettent en péril ces savoir-faire. En 2023, moins de 150 familles produisaient encore du fromage selon les méthodes traditionnelles.
Pourtant, certains passionnés tentent de préserver cet héritage. Des coopératives locales voient le jour, et des chefs étrangers commencent à s’y intéresser.
Un goût de montagne et de mémoire
Ce qui frappe en dégustant ces fromages, c’est leur capacité à évoquer un lieu, une saison, une histoire.
Le galicki sir, par exemple, est produit exclusivement dans le village de Galicnik, à 1600 mètres d’altitude. Il n’est fabriqué qu’en été, lorsque les troupeaux montent en transhumance. Son goût varie selon les années, selon les pluies, selon les herbes.
« C’est un fromage vivant », explique Ljubica, une productrice locale. « Il raconte l’année passée, la météo, les fleurs qui ont poussé. »
Certains fromages sont même liés à des rituels. Le mlad sir (fromage jeune) est souvent offert aux nouveau-nés, tandis que le tvrd sir (fromage dur) accompagne les mariages.
Une richesse ignorée par les circuits traditionnels
Malgré leur qualité, ces fromages restent dans l’ombre. Peu exportés, rarement labellisés, ils souffrent d’un manque de visibilité.
« Les gens veulent de la feta grecque ou du parmesan italien. Ils ne savent même pas que la Macédoine a ses propres trésors », déplore Darko, restaurateur à Skopje.
Le pays ne dispose pas encore d’un système d’AOP (Appellation d’origine protégée) solide. Résultat : certains fromages sont copiés à l’étranger sous d’autres noms, sans reconnaissance pour les producteurs locaux.
Pourtant, le potentiel est immense. Le tourisme gastronomique commence à émerger. Des circuits « fromages et montagnes » attirent des curieux venus de toute l’Europe.
Une redécouverte en marche
Depuis peu, des chefs étoilés s’intéressent à ces fromages oubliés. En 2022, le galicki sir a été présenté lors d’un salon culinaire à Berlin. En 2023, le kaškaval de Malovište a remporté une médaille d’argent au World Cheese Awards.
« C’est comme découvrir un continent caché », s’enthousiasme le chef français Julien Morel. « Ces fromages ont une personnalité folle. Ils ne cherchent pas à plaire à tout le monde, et c’est ce qui les rend uniques. »
Des start-up locales misent sur des formats modernes : fromages en bocaux, coffrets découverte, livraison à domicile. Le bouche-à-oreille commence à faire son effet.
Mais la vraie question demeure : ces fromages survivront-ils à la modernité ? Ou disparaîtront-ils dans le silence, comme tant d’autres traditions rurales ?
Peut-être qu’un jour, sur une table parisienne ou berlinoise, on dégustera un bienko sirenje sans savoir d’où il vient. Ou peut-être que ces fromages resteront ce qu’ils sont aujourd’hui : des secrets que l’on partage au coin d’un feu, dans une bergerie des Balkans.
L’auteur a utilisé l’intelligence artificielle pour approfondir cet article.

Originaire de Pristina, Fevza est une experte en géopolitique ayant travaillé avec plusieurs ONG internationales. Son expertise dans les relations internationales et les enjeux migratoires offre une perspective unique sur les dynamiques transfrontalières des Balkans.






Ces fromages cachés de Macédoine ont une histoire riche à découvrir. Il est temps de leur donner la visibilité qu’ils méritent.
Qui aurait cru que la Macédoine du Nord aurait des fromages si fascinants ? Entre traditions et saveurs, c’est un vrai pays à découvrir !