Une journée avec les derniers pêcheurs du Danube

Une journée avec les derniers pêcheurs du Danube

Ils partent avant l’aube, quand les rives du fleuve sont encore noyées dans la brume. Leurs gestes sont précis, presque silencieux. Dans le clapotis des eaux, ces hommes perpétuent un savoir ancien, hérité de générations disparues. Au fil du Danube, il ne reste plus qu’une poignée de pêcheurs traditionnels. Et chaque jour passé sur ce fleuve est une lutte contre l’oubli.

Un fleuve, une mémoire

Le Danube, deuxième plus long fleuve d’Europe, serpente sur près de 2 900 kilomètres à travers dix pays. Il est l’épine dorsale de l’Europe centrale, mais aussi un témoin discret d’un mode de vie en voie d’extinction.

Dans les petites communautés de pêcheurs, comme à Sulina en Roumanie ou à Mohács en Hongrie, les filets sont encore jetés à la main, comme autrefois. « Mon père pêchait ici, mon grand-père aussi. Moi, je suis le dernier », confie István, 64 ans, les mains calleuses et le regard perdu vers l’horizon.

Autrefois, des centaines de barques sillonnaient chaque jour les eaux du fleuve. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une trentaine à vivre exclusivement de la pêche traditionnelle sur l’ensemble du delta du Danube.

Le silence des filets

À bord d’une barque en bois effilée, le moteur à essence vrombit à peine. Le soleil se lève lentement, révélant une mosaïque de roseaux et de bras d’eau. C’est ici que Mihai, 57 ans, jette ses filets depuis plus de quarante ans.

« Le poisson, on le sent. Tu sais quand il va mordre, tu sais quand il ne viendra pas. C’est comme une danse, » dit-il en déroulant un filet de plus de 100 mètres.

Mais la pêche n’a plus rien de prospère. Les prises ont chuté de 70 % en vingt ans, selon une étude de l’Institut Danubien de Pêche. Les silures géants, les carpes argentées et les esturgeons, autrefois abondants, se font rares.

« Il y a des jours où je rentre avec trois poissons. Et encore, s’ils sont là. Sinon, je rentre les mains vides, » murmure Mihai, en fixant l’eau sombre.

Une guerre silencieuse

Les pêcheurs ne luttent pas seulement contre le temps, mais aussi contre des menaces invisibles : pollution, barrages, surpêche industrielle et réchauffement climatique.

Chaque année, plus de 4 000 tonnes de plastique finissent dans le Danube. Des barrages comme celui d’Iron Gate, entre la Serbie et la Roumanie, bloquent la migration des poissons. Et les chalutiers industriels, venus parfois de très loin, ratissent les fonds sans relâche.

« On n’a pas les moyens de lutter contre eux. Ils ont des machines, des quotas, du pouvoir. Nous, on a nos mains et nos filets troués, » déplore Elena, 49 ans, l’une des rares femmes pêcheuses du delta.

Les autorités locales ferment parfois les yeux. Les contrôles sont rares, les sanctions inexistantes. Et les pêcheurs traditionnels, eux, sont souvent les premiers à être accusés de braconnage.

Le dernier marché

À Tulcea, petite ville à l’entrée du delta, le marché aux poissons est silencieux. Quelques étals, une odeur d’algue et de vase, et des visages fatigués.

« Avant, on vendait tout en une matinée. Maintenant, il faut supplier les gens de prendre du poisson frais, » explique Gheorghe, 72 ans, qui vend encore quelques brochets sur une table en plastique.

Les jeunes ne reprennent plus le flambeau. Beaucoup sont partis à Bucarest, à Vienne ou à Berlin. « Mon fils est plombier en Allemagne. Il gagne en une semaine ce que je fais en un mois ici. Il ne reviendra pas, » dit Gheorghe en haussant les épaules.

Les traditions s’effacent. Les recettes ancestrales, les techniques de pêche, les chants du fleuve… tout cela disparaît, lentement, dans l’indifférence.

Des gestes pour survivre

Pourtant, certains refusent de renoncer. Dans le village de Mila 23, au cœur du delta, une coopérative tente de préserver la pêche durable. Les membres ne prennent que ce dont ils ont besoin, respectent les saisons, et utilisent des filets à mailles larges pour laisser grandir les jeunes poissons.

« C’est notre façon de dire non à la disparition. On ne gagnera jamais contre les gros, mais on peut montrer qu’un autre modèle est possible, » affirme Andrei, 38 ans, fondateur de la coopérative.

Ils organisent aussi des stages pour les enfants, des visites pour les touristes, et documentent les savoirs anciens. « Si on ne transmet pas maintenant, il ne restera rien dans dix ans, » ajoute-t-il.

Mais ces efforts restent fragiles. Le soutien des autorités est sporadique. Et les subventions européennes, souvent promises, s’évanouissent dans les méandres administratifs.

L’écho du fleuve

Le Danube continue de couler, indifférent aux drames humains. Mais son écho porte les voix de ceux qui refusent d’abandonner.

« Le fleuve nous parle. Il nous dit quand il est malade, quand il a froid, quand il est en colère, » confie Elena en regardant les reflets tremblants de l’eau.

Les derniers pêcheurs ne demandent pas la pitié. Ils demandent qu’on les écoute. Qu’on reconnaisse leur rôle dans l’équilibre fragile de cet écosystème. Et qu’on se souvienne qu’avant les moteurs, les quotas et les marchés mondiaux, il y avait des hommes et des femmes qui vivaient au rythme du courant.

Alors, que restera-t-il demain ? Des archives, quelques photos, une chanson oubliée ? Ou bien un souffle de vie, maintenu à flot par ceux qui, chaque matin, jettent leurs filets dans le silence du Danube ?

L’auteur a utilisé l’intelligence artificielle pour approfondir cet article.

5 commentaires sur “Une journée avec les derniers pêcheurs du Danube

  1. Ce portrait des pêcheurs du Danube est touchant. Il rappelle l’importance de préserver nos traditions et notre écosystème face à l’indifférence croissante.

  2. C’est fou comme le Danube est témoin de tant de changements. La nature et la tradition, en danger, mais toujours là, prêtes à nous parler si on écoute assez.

  3. Fevza, ton article met en lumière une réalité poignante. La préservation de ces traditions est essentielle pour l’écosystème et notre mémoire collective.

  4. C’est triste de voir ce mode de vie se perdre. La nature et la tradition méritent d’être sauvées. Mais qui s’en soucie vraiment ?

  5. Fevza, cet article oscille entre mélancolie et espoir. Il rappelle à chacun d’entre nous l’urgence de préserver nos écosystèmes vivants.

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