Dans un petit atelier de bois, niché au cœur des montagnes bosniaques, un vieil homme taille patiemment une cuillère à la main. Autour de lui, le silence. Seul le bruit du couteau contre le bois résonne. Ce geste, transmis de génération en génération, semblait voué à disparaître. Pourtant, aujourd’hui, il renaît.
Le retour des gestes oubliés
Pendant des décennies, l’artisanat traditionnel en Bosnie-Herzégovine a lentement décliné. La guerre, l’exode rural, la mondialisation ont éloigné les jeunes des métiers manuels. Mais depuis quelques années, un phénomène inattendu prend forme.
« Je pensais que plus personne ne voudrait apprendre à tisser », confie Aida, 67 ans, tisseuse à Lukomir, l’un des villages les plus isolés du pays. « Et puis un jour, des jeunes sont venus frapper à ma porte. »
Ces jeunes, souvent diplômés, parfois venus de Sarajevo ou même de l’étranger, cherchent un autre sens à leur vie. Ils redécouvrent les savoir-faire de leurs grands-parents : tissage, poterie, sculpture sur bois, broderie. Et ils veulent les faire revivre, à leur manière.
Des villages en voie de métamorphose
Dans les montagnes du sud, à Stolac, un ancien village ottoman, les maisons en pierre reprennent vie. Des ateliers ouvrent dans d’anciennes granges. On y fabrique des tapis, des instruments de musique, des objets en cuir.
« Il y a cinq ans, ce village était presque vide », raconte Emir, 32 ans, qui a quitté sa vie de cadre à Mostar pour s’installer ici. « Aujourd’hui, on entend les marteaux, les métiers à tisser, les chants. C’est comme si le village respirait à nouveau. »
Selon l’Institut bosniaque de développement rural, plus de 120 micro-entreprises artisanales ont vu le jour dans les zones rurales depuis 2019. Un chiffre modeste, mais en constante progression.
Le gouvernement local commence à s’y intéresser. Des subventions sont accordées, des formations sont mises en place. Mais ce sont surtout les initiatives personnelles qui font bouger les lignes.
Quand tradition rime avec innovation
Les nouveaux artisans ne se contentent pas de reproduire les anciens modèles. Ils les réinterprètent, les modernisent. Les motifs traditionnels se retrouvent sur des sacs en toile bio, les cuillères en bois sont vendues sur Etsy, les tapis sont conçus pour les intérieurs contemporains.
« Je ne veux pas faire du folklore », insiste Lejla, 29 ans, designer textile installée à Travnik. « Je veux que nos traditions vivent dans le présent. »
Cette fusion entre passé et présent attire une clientèle nouvelle. Des touristes, mais aussi des amateurs d’objets uniques, sensibles à l’authenticité. Les réseaux sociaux jouent un rôle clé : Instagram devient une vitrine pour ces créations venues des montagnes.
En 2023, les ventes en ligne d’artisanat bosniaque ont augmenté de 38 %, selon l’Agence nationale du commerce électronique. Une tendance qui surprend, dans un pays encore marqué par la précarité économique.
Une réponse à l’exil rural
Dans les années 2000, plus de 60 % des jeunes quittaient les villages pour chercher du travail en ville ou à l’étranger. Aujourd’hui, certains font le chemin inverse.
« J’ai grandi à Sarajevo, mais je me sentais étrangère à tout », confie Hana, 26 ans, installée depuis deux ans à Prokoško. « Ici, je travaille le cuir, je vis avec les saisons. C’est dur, mais je suis enfin chez moi. »
Ce retour vers les campagnes n’est pas toujours facile. Les infrastructures manquent, l’accès à Internet est parfois limité, et les revenus restent incertains. Mais le lien social, lui, se retisse.
Dans certains villages, des coopératives voient le jour. Elles regroupent des artisans, mutualisent les outils, organisent des marchés. À Zavidovići, la coopérative “Ruke” (Les Mains) rassemble 14 femmes qui produisent des objets en laine feutrée. Ensemble, elles ont doublé leurs revenus en un an.
Transmettre pour ne pas disparaître
L’un des enjeux majeurs de cette renaissance est la transmission. Beaucoup de savoir-faire risquent de s’éteindre si personne ne les apprend.
« Mon grand-père était forgeron. Il est mort sans que personne ne sache comment il faisait ses couteaux », regrette Damir, 40 ans, qui tente aujourd’hui de reconstituer les gestes à partir de vieux outils.
Des écoles alternatives apparaissent, souvent informelles. À Jajce, un ancien professeur d’histoire a ouvert un “atelier-école” où il enseigne la céramique ottomane. Chaque semaine, une dizaine de jeunes s’y retrouvent.
L’UNESCO s’est intéressée à ces initiatives. En 2022, elle a lancé un programme pilote pour documenter et sauvegarder les savoir-faire artisanaux de Bosnie. Une reconnaissance qui donne de l’élan à ce mouvement encore fragile.
Une identité qui se réinvente
Au-delà des objets, c’est une mémoire collective qui ressurgit. L’artisanat devient un moyen de se reconnecter à une histoire souvent douloureuse, marquée par les conflits, les divisions, l’exil.
« Quand je brode un motif traditionnel, je pense à ma grand-mère, à ses récits, à tout ce qu’on a perdu », dit Jelena, 35 ans, originaire de Banja Luka. « C’est une façon de recoller les morceaux. »
Dans un pays encore fracturé, ces gestes simples – tisser, sculpter, tresser – deviennent des ponts entre les générations, entre les communautés. Ils racontent une autre Bosnie, plus silencieuse, mais profondément vivante.
Et si, au fond, cette renaissance artisanale n’était pas seulement un retour au passé, mais une manière d’imaginer un avenir différent ?
Il faut parfois revenir aux gestes les plus simples pour retrouver ce qui nous lie.
Il faut parfois écouter le silence d’un atelier pour entendre battre le cœur d’un pays.
Il faut parfois tailler une cuillère pour redonner forme à l’espoir.
L’auteur a utilisé l’intelligence artificielle pour approfondir cet article.

Originaire de Pristina, Fevza est une experte en géopolitique ayant travaillé avec plusieurs ONG internationales. Son expertise dans les relations internationales et les enjeux migratoires offre une perspective unique sur les dynamiques transfrontalières des Balkans.




Cette renaissance de l’artisanat en Bosnie est touchante. Elle montre comment des gestes simples peuvent redonner espoir et tisser des liens entre les gens.
C’est fascinant de voir comment des jeunes redécouvrent le passé ! Entre tradition et modernité, c’est un vrai pont vers l’avenir.
Fevza, cet article est une belle ode à la résilience humaine. J’aime voir comment les traditions se réinventent dans un monde en constante évolution.
C’est triste de voir que beaucoup de savoir-faire risquent de disparaître. Mais cette renaissance est peut-être une façon de redonner vie à notre passé.
Fevza, cet article résonne profondément. La renaissance de l’artisanat en Bosnie-Herzégovine est non seulement nécessaire, mais aussi belle et inspirante.
C’est fascinant de voir comment l’artisanat peut ressusciter des souvenirs et unir les générations. Une vraie bouffée d’air frais en Bosnie!
C’est beau de voir les jeunes redécouvrir leur héritage. L’artisanat, c’est plus qu’un métier, c’est une âme en vie.