Le renouveau des bains publics dans les Balkans

Le renouveau des bains publics dans les Balkans

Dans une ruelle pavée de Sarajevo, une porte en bois s’ouvre sur un monde suspendu. À l’intérieur, la vapeur danse entre les colonnes de marbre, les murs résonnent de silence, et les corps se délient dans l’eau chaude. Ce n’est pas une scène d’un autre siècle. C’est aujourd’hui. Les bains publics, longtemps oubliés, reprennent vie dans les Balkans.

Une tradition millénaire qui renaît de ses cendres

Pendant des siècles, les bains publics ont été le cœur battant des villes balkaniques. Hérités de l’Empire ottoman, ils étaient bien plus que des lieux d’hygiène : des espaces de rencontre, de repos, de rituels. Mais avec le temps, les hammams se sont vidés, les dômes se sont fissurés, et les générations modernes les ont désertés.

« Dans les années 90, on pensait que c’était fini. Les jeunes ne venaient plus. Les hammams étaient vus comme des reliques du passé », se souvient Emir Hadžić, gardien du hammam Gazi Husrev-beg à Sarajevo.

Aujourd’hui, pourtant, quelque chose change. Des rénovations surgissent à Skopje, à Prizren, à Belgrade. Des files d’attente se forment devant les anciens hammams restaurés. Le murmure de l’eau chaude attire une nouvelle génération.

Des lieux réinventés pour le XXIe siècle

Le renouveau ne se fait pas dans la nostalgie, mais dans la transformation. À Belgrade, l’ancien hammam de Dorćol, fermé depuis 1983, a rouvert ses portes en 2021 sous le nom de « Vapor », un centre de bien-être mêlant traditions ottomanes et design contemporain.

« On a gardé les pierres d’origine, mais on a ajouté des éléments modernes : chromothérapie, massages sonores, tisanerie bio », explique Jelena Petrović, l’architecte du projet. « Ce n’est pas un musée. C’est un lieu vivant. »

À Skopje, le Čifte Amam, autrefois hammam pour couples mariés, est devenu un espace hybride : hammam actif le matin, galerie d’art l’après-midi. Une manière de reconnecter le passé au présent, sans l’enfermer dans le folklore.

Cette hybridation séduit un public jeune, urbain, en quête d’expériences sensorielles et de rituels nouveaux. Selon une étude menée en 2022 par le Balkan Urban Wellness Observatory, 62 % des visiteurs des nouveaux hammams ont moins de 35 ans.

Une réponse au stress d’une époque incertaine

Ce retour des bains publics n’est pas anodin. Il surgit dans un moment de tension collective. Crises économiques, instabilité politique, isolement social : les Balkans, comme le reste du monde, cherchent des refuges.

« Je viens ici pour me réinitialiser », confie Ana, 29 ans, graphiste à Tirana. « C’est comme si le temps s’arrêtait. Je ressors en paix. »

Le hammam, par sa chaleur enveloppante, ses rituels lents, propose une forme de résistance douce à la vitesse du monde. Il offre un espace de silence, de lenteur, de présence.

Et ce n’est pas qu’une impression. Des études menées à Istanbul et à Sofia montrent que 45 minutes dans un hammam réduisent le niveau de cortisol – l’hormone du stress – de près de 30 %.

Un enjeu de mémoire et de réconciliation

Dans une région marquée par les conflits et les divisions, les bains publics jouent aussi un rôle symbolique. Ils sont les témoins d’un passé commun, multiculturel, souvent oublié.

À Prizren, au Kosovo, le hammam Mahmet Pasha a rouvert en 2020 après vingt ans d’abandon. Il accueille aujourd’hui des femmes albanaises, bosniaques, turques, serbes. Ensemble. En silence.

« Ici, nous sommes toutes égales. Nus, dans la vapeur, il n’y a plus d’ethnies », dit Fatmira, 52 ans, habitante de la ville.

Des projets éducatifs y sont organisés : ateliers sur les traditions partagées, expositions sur l’histoire des bains dans les Balkans. Le hammam devient un lieu de mémoire vivante, de dialogue, de réparation.

Une économie locale stimulée par la vapeur

Ce renouveau a aussi des effets concrets sur les économies locales. À Mostar, la réouverture du hammam Koski Mehmed Pasha a entraîné la création de 18 emplois directs et une hausse de 22 % des visites dans le quartier historique.

Les artisans locaux en profitent : tailleurs de pierre, ferronniers, céramistes. Car restaurer un hammam, c’est aussi faire revivre des savoir-faire en voie de disparition.

« J’ai appris le métier de mon grand-père. Pendant vingt ans, je n’avais plus de commandes. Maintenant, je travaille tous les jours », raconte Dževad, 61 ans, tailleur de marbre à Novi Pazar.

Les municipalités commencent à y voir un levier touristique. Mais la plupart des projets refusent la logique du tourisme de masse. Ils misent sur l’authenticité, la durabilité, l’ancrage local.

Une invitation à se reconnecter au corps et aux autres

Dans une époque où le virtuel envahit tout, les bains publics offrent une expérience rare : celle du corps réel, du contact, de la chaleur humaine. On y partage un espace, un rythme, un silence.

« C’est un des seuls endroits où je ne regarde pas mon téléphone pendant une heure entière », sourit Luka, 34 ans, venu de Zagreb pour une retraite de trois jours dans un hammam de Kotor.

Les règles sont simples : pas de photos, pas de bruit, pas de précipitation. Juste l’eau, la pierre, la vapeur, et les autres.

Et si c’était cela, le vrai luxe du XXIe siècle ?

Alors que les villes s’accélèrent et que les écrans s’imposent, les bains publics des Balkans nous rappellent une chose oubliée : il existe encore des lieux pour ralentir, respirer, et se retrouver. Mais combien de temps cette renaissance tiendra-t-elle face aux logiques de rentabilité et de modernisation ? La vapeur, elle, ne dure jamais longtemps.

L’auteur a utilisé l’intelligence artificielle pour approfondir cet article.

2 commentaires sur “Le renouveau des bains publics dans les Balkans

  1. C’est inspirant de voir comment ces bains publics redonnent une voix à des traditions oubliées tout en favorisant la rencontre. Un vrai souffle d’espoir !

  2. Qui aurait cru que la vapeur pouvait guérir le stress ? C’est comme un spa pour l’âme ! On devrait vraiment rater moins de réunions juste pour ça.

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