Dans une ruelle pavée de Sarajevo, un parfum dense et envoûtant s’échappe d’un petit café aux murs patinés. À l’intérieur, un silence respectueux entoure une cafetière en cuivre posée sur la braise. Le café turc, préparé comme il l’est depuis des siècles, s’apprête à révéler ses arômes. Mais autour de cette tradition ancestrale, quelque chose a changé. Dans les Balkans, ce rituel millénaire est en train de se transformer. Discrètement. Profondément.
Une tradition vieille de cinq siècles
Le café turc n’est pas qu’une boisson. C’est un moment. Un art. Une mémoire. Introduit dans les Balkans au XVIe siècle par l’Empire ottoman, il s’est enraciné dans les habitudes quotidiennes des peuples de la région, de la Bosnie-Herzégovine à la Serbie, en passant par la Macédoine du Nord, le Kosovo ou l’Albanie.
Préparé dans une cezve – une petite cafetière en cuivre –, il est chauffé lentement, souvent sur du sable chaud ou des braises, pour libérer toute sa richesse. Le café n’est pas filtré : le marc reste au fond de la tasse, prêt à être lu comme un oracle. « Ma grand-mère lisait toujours l’avenir dans le café », se souvient Jelena, 42 ans, originaire de Skopje. « C’était un jeu, mais aussi une manière de faire parler les silences. »
Autour de cette tasse noire et dense, les conversations s’étiraient, les réconciliations se faisaient, les secrets se murmuraient. Le café turc était le cœur battant de la maison.
La jeunesse bouscule les codes
Mais les jeunes générations, tout en respectant l’héritage, réinventent les contours de cette coutume. À Belgrade, dans le quartier branché de Dorćol, une nouvelle vague de cafés artisanaux propose des versions revisitées du café turc : infusé à la cardamome, au zeste d’orange, ou même au CBD.
« Nous voulons garder l’âme du café turc, mais lui donner une nouvelle voix », explique Luka, 29 ans, fondateur du café Kafa Nova. « On le prépare toujours dans une cezve, mais on joue avec les saveurs, les textures, les présentations. Le rituel reste, mais il évolue. »
Cette réinvention séduit. Selon une enquête menée en 2023 par l’Institut Balkanique de la Culture, 68 % des 18-35 ans consomment du café turc au moins une fois par semaine, mais 45 % d’entre eux préfèrent des versions modernisées.
Le retour du rituel dans un monde pressé
Dans un monde où tout va trop vite, le café turc offre une pause. Une vraie. Il ne se boit pas à emporter. Il ne se prépare pas en quelques secondes. Il exige du temps, de l’attention, du silence.
« Quand je prépare mon café turc le matin, c’est comme une méditation », confie Arben, 36 ans, professeur à Pristina. « Je regarde l’eau frémir, le café monter, les bulles éclater. C’est un moment à moi. »
De plus en plus de cafés et d’ateliers proposent des cérémonies de préparation, où l’on apprend à faire le café selon les règles de l’art : trois montées, pas d’ébullition brutale, et toujours une mousse dense au sommet. Le café devient un acte conscient, presque sacré.
Des objets chargés d’histoire
Dans les marchés de Mostar ou de Tirana, les cezves anciennes s’arrachent. Certaines ont plus de cent ans. D’autres sont gravées de motifs ottomans, de vers en arabe ou en serbe cyrillique. Chaque pièce raconte une histoire.
« Cette cezve appartenait à mon arrière-grand-père », raconte Emina, 58 ans, en montrant l’objet noirci par le temps. « Il la portait avec lui pendant la guerre. C’était son lien avec la maison. »
Aujourd’hui, ces objets retrouvent une place centrale dans les foyers. Offrir une cezve est devenu un geste fort, presque intime. Dans certaines familles, on en fabrique encore à la main. À Sarajevo, l’atelier de la famille Hadžibajrić perpétue ce savoir-faire depuis 1890.
Le café turc, lien entre les peuples
Dans une région marquée par les fractures, le café turc reste un langage commun. Il traverse les frontières, les religions, les mémoires douloureuses. On le nomme « turska kafa », « domaca kafa », « kafa », selon les pays, mais le geste est le même.
« Peu importe où tu es dans les Balkans, si tu dis ‘viens prendre un café’, cela veut dire ‘je veux te parler, je veux t’écouter’ », explique Milica, 47 ans, sociologue à Novi Sad. « C’est un code culturel, une forme de paix. »
Lors de festivals culturels, des concours de préparation de café turc sont organisés. En 2022, à Skopje, plus de 300 participants de 7 pays ont concouru pour la meilleure mousse. Le vainqueur était un jeune barista albanais de 23 ans. « C’est notre manière de nous retrouver », disait-il, ému.
Et si le futur du café turc était féminin ?
Longtemps associé à la sphère domestique, le café turc était souvent préparé par les femmes. Aujourd’hui, elles en deviennent les ambassadrices. À Tirana, une coopérative féminine relance la culture du café traditionnel et forme des jeunes femmes à l’art de la préparation.
« Nous ne voulons pas seulement préserver une tradition, mais en faire un levier d’émancipation », affirme Liridona, 34 ans, fondatrice de l’initiative Kafeja Jonë. « Chaque femme qui prépare ce café raconte une histoire de transmission, de résistance, de création. »
Même dans les grandes villes, des cercles de femmes se réunissent autour du café, non plus pour lire l’avenir, mais pour bâtir le présent. Des projets naissent, des idées circulent, des solidarités se tissent.
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Dans les Balkans, le café turc n’est pas seulement une boisson. C’est une mémoire liquide, un art de vivre, une résistance douce à l’accélération du monde. Et si, derrière chaque tasse, se cachait une nouvelle manière d’habiter le temps ?
L’auteur a utilisé l’intelligence artificielle pour approfondir cet article.

Originaire de Pristina, Fevza est une experte en géopolitique ayant travaillé avec plusieurs ONG internationales. Son expertise dans les relations internationales et les enjeux migratoires offre une perspective unique sur les dynamiques transfrontalières des Balkans.






Le café turc est plus qu’une boisson, c’est une belle façon de relier les gens. J’aime cette tradition et son évolution.
Café turc, un vrai voyage dans le temps ! J’adore l’idée qu’il soit un langage commun. Mais qui pourrait résister à la version au CBD ?!
Fevza, quel article captivant et inspirant ! Le café turc, ce mélange parfait de tradition et d’innovation, mérite sa place au cœur de nos discussions.
Franchement, le café turc c’est bien beau, mais ça reste trop traditionnel. On veut du fun et des saveurs nouvelles, pas juste de la nostalgie.
Fevza, cet article capture magnifiquement l’essence du café turc. Une tradition qui, en évoluant, reste unissant et réconfortante. Bravo !