Le secret des épices albanaises qui séduisent les grands chefs

Le secret des épices albanaises qui séduisent les grands chefs

Les ruelles pavées de Gjirokastër s’emplissent chaque matin d’un parfum enivrant. Un mélange de thym sauvage, de sarriette, de poivre noir et de quelque chose d’indéfinissable qui flotte dans l’air, comme un souvenir oublié. Ce n’est pas un marché ordinaire. C’est là, niché au cœur des montagnes albanaises, que commence l’histoire d’un secret ancestral que les plus grands chefs du monde s’arrachent aujourd’hui.

Une terre rude, un goût unique

L’Albanie n’est pas le premier pays auquel on pense quand on parle de gastronomie. Et pourtant, ses collines arides et ses montagnes escarpées abritent un trésor méconnu : des épices d’une pureté rare, cultivées sans engrais ni irrigation artificielle.

« Ici, les plantes doivent se battre pour pousser. Elles développent des arômes plus intenses, plus complexes », explique Liri Dema, agricultrice dans la région de Përmet. Elle cultive depuis trois générations une variété de piment rouge local, le spec i kuq, au goût fumé et légèrement sucré.

Ce terroir rude façonne des plantes résistantes, aux huiles essentielles concentrées. Le climat méditerranéen, les sols calcaires et l’altitude jouent un rôle clé. Résultat : des épices qui explosent littéralement en bouche.

Des traditions transmises en silence

Dans les villages de l’Albanie méridionale, les techniques de séchage et de conservation des épices se transmettent oralement, de mère en fille. Pas de manuels, pas de machines. Juste des gestes, millimétrés, répétés depuis des siècles.

« Ma grand-mère me disait toujours : ‘Le soleil doit embrasser les herbes, pas les brûler’ », raconte Drita, 63 ans, qui récolte à la main l’origan sauvage près de Saranda. Elle étale ses bouquets sur des draps de coton, à l’ombre d’un mûrier, et les retourne chaque matin.

Ce savoir-faire artisanal donne aux épices une authenticité rare. Le thym de Tomorr, par exemple, est cueilli à plus de 1 000 mètres d’altitude, puis séché lentement pendant dix jours. Il conserve ainsi une note citronnée, presque mentholée, que les chefs adorent.

Une redécouverte par les chefs étoilés

C’est à Paris, dans les cuisines feutrées d’un restaurant doublement étoilé, que l’histoire prend un tournant inattendu. Le chef Julien Mareuil découvre en 2021 un lot d’origan albanais envoyé par un ami sommelier. Il est immédiatement frappé.

« Je n’avais jamais senti ça. Un parfum d’herbe fraîchement coupée, avec une pointe de résine. C’était hypnotisant », se souvient-il.

Depuis, il ne jure plus que par ces épices venues des Balkans. Il les utilise pour infuser ses huiles, parfumer ses sauces, relever ses viandes. Et il n’est pas le seul. En Italie, en Allemagne, au Danemark, des dizaines de chefs s’approvisionnent désormais auprès de petits producteurs albanais.

Les commandes explosent. En 2023, les exportations d’épices albanaises ont augmenté de 37 %, selon le ministère de l’Agriculture du pays. Un chiffre qui masque une réalité plus complexe : la majorité des producteurs travaillent encore à l’échelle familiale, sans certification ni réseau de distribution structuré.

Des plantes rares aux arômes oubliés

Au-delà du romarin ou du basilic, l’Albanie recèle des variétés endémiques que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Comme la xhuxhuba, une menthe sauvage au goût poivré, ou le sherebelë, une sauge aux reflets violets et à l’arôme camphré.

« Ce sont des plantes oubliées, mais incroyablement puissantes. Une pincée suffit à transformer un plat », explique Klodian Basha, botaniste à l’université de Tirana.

La xhuxhuba, par exemple, est utilisée depuis l’Antiquité pour aromatiser les viandes séchées. Aujourd’hui, elle revient dans les assiettes étoilées, infusée dans des crèmes ou saupoudrée sur des poissons crus.

Certaines épices sont si rares qu’elles ne poussent que sur quelques hectares. Le poivre sauvage de Kukës, par exemple, ne produit que 150 kilos par an. Il est récolté à la main, baie par baie, par une poignée de familles.

Un marché encore fragile

Malgré l’engouement des chefs, les producteurs albanais peinent à structurer leur filière. La plupart vendent leurs épices en vrac, à des prix dérisoires, sans pouvoir garantir leur origine ni leur qualité.

« On me propose parfois 2 euros le kilo. C’est à peine de quoi couvrir les frais de transport », déplore Ardit, jeune cultivateur dans la région de Korçë.

Certains tentent de se regrouper en coopératives, d’autres cherchent des partenariats avec des restaurateurs ou des épiceries fines. Mais les obstacles sont nombreux : manque d’infrastructures, routes dégradées, absence de labels bio reconnus à l’international.

Et pourtant, la demande est là. Les chefs cherchent de l’authenticité, du goût, du sens. Les épices albanaises ont tout pour répondre à cette quête. Il leur manque juste un pont vers le reste du monde.

Une richesse à préserver coûte que coûte

Dans les montagnes du nord, les anciens racontent que certaines herbes ne poussent que si on leur parle doucement. Une légende ? Peut-être. Mais elle dit quelque chose de vrai : ces épices sont vivantes, fragiles, précieuses.

Le risque aujourd’hui, c’est la disparition. Sous la pression de la demande, certains cueilleurs arrachent les plantes sans attendre la repousse. D’autres défrichent des zones protégées pour planter plus.

« Si on ne fait pas attention, on va perdre ce qui fait notre identité », alerte Mira Kodra, ethnobotaniste et militante pour la préservation des plantes sauvages.

Face à cette menace, des initiatives émergent. Des ONG forment les producteurs aux méthodes durables. Des chefs s’engagent à ne travailler qu’avec des lots traçables. Des festivals locaux mettent à l’honneur les recettes traditionnelles.

Car au fond, ces épices ne sont pas qu’un ingrédient. Elles sont le reflet d’une culture, d’un rapport au temps, à la nature, à la mémoire.

Et si le vrai luxe, aujourd’hui, c’était cela : une pincée d’oubli retrouvé, venue d’un pays que personne n’attendait ?

Il ne reste qu’à se demander : combien de secrets gustatifs dorment encore dans les replis du monde, en attendant d’être redécouverts ?

L’auteur a utilisé l’intelligence artificielle pour approfondir cet article.

Un avis sur “Le secret des épices albanaises qui séduisent les grands chefs

  1. Ces épices albanaises ont une histoire incroyable. C’est essentiel de protéger ce savoir-faire traditionnel. Soutenons ces producteurs pour préserver leur identité et notre patrimoine culinaire.

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