Nichée entre les contreforts des montagnes et les plaines fertiles du sud-est de l’Albanie, Korçë ne fait pas de bruit. Elle ne s’impose pas. Elle se laisse découvrir. Et pourtant, ceux qui y posent les pieds repartent rarement sans un pincement au cœur. Car ici, les ruelles pavées murmurent des histoires oubliées, les cafés débordent de conversations et l’air semble chargé d’une énergie douce et tenace. Quelque chose est en train de se passer à Korçë. Et ce n’est pas un hasard.
Une ville à l’écart, longtemps oubliée
Pendant des décennies, Korçë est restée dans l’ombre. Coincée entre les montagnes de Morava et la frontière grecque, elle semblait presque hors du temps. Peu touchée par le tourisme de masse qui a déferlé sur la Riviera albanaise, la ville a conservé une authenticité rare.
« Ici, on a toujours vécu à notre rythme », confie Liri, une habitante de 62 ans qui tient une petite librairie sur le boulevard Republika. « Les gens viennent pour voir autre chose. Ils ne cherchent pas les plages, ils cherchent une âme. »
Avec ses maisons ottomanes aux balcons en bois, ses églises orthodoxes et ses anciennes écoles françaises, Korçë est un patchwork d’influences. Elle fut autrefois un centre culturel majeur, surnommée la « Petite Paris » des Balkans au début du XXe siècle. Puis elle s’est tue. Jusqu’à aujourd’hui.
L’éveil discret d’un nouveau souffle
Depuis quelques années, un vent nouveau souffle sur la ville. Des jeunes entrepreneurs, des artistes, des voyageurs curieux commencent à poser leurs valises ici. Ils restaurent les vieilles bâtisses, ouvrent des cafés aux murs patinés, organisent des concerts dans les cours intérieures.
« Korçë est devenue une ville refuge pour les esprits créatifs », explique Arben Dervishi, 34 ans, fondateur d’un espace de coworking installé dans une ancienne école. « On y trouve une tranquillité propice à la création, mais aussi une communauté bienveillante. »
Les chiffres confirment la tendance : en 2023, le nombre de visiteurs a augmenté de 28 % par rapport à l’année précédente, selon le ministère albanais du Tourisme. Et les investissements dans l’hôtellerie et la restauration ont doublé en deux ans.
Cafés bohèmes et conversations sans fin
Impossible de parler de Korçë sans évoquer ses cafés. Ils sont partout. Dans les ruelles du vieux bazar, sur les trottoirs ombragés, dans les arrière-cours fleuries. Mais ici, on ne vient pas seulement pour boire un café. On vient pour discuter. Lire. Regarder passer le temps.
Au café Komiteti, installé dans une ancienne maison ottomane, des jeunes artistes croisent des retraités qui jouent aux dominos. Les murs sont tapissés d’objets anciens, de photos en noir et blanc, d’affiches de cinéma albanais des années 70.
« C’est un lieu vivant, presque un salon de quartier », raconte Elira, barista et musicienne. « Il y a des soirées poésie, des jam sessions, des débats. Les gens viennent seuls et repartent avec des amis. »
Cette culture du café, profondément ancrée dans la tradition albanaise, prend ici une dimension presque spirituelle. À Korçë, on prend le temps. Et c’est peut-être là son plus grand luxe.
Une scène artistique en pleine effervescence
La renaissance de Korçë ne se limite pas à ses terrasses. Elle se lit aussi dans ses galeries, ses fresques murales, ses festivals. La ville accueille chaque été le Festival de la Bière, qui attire plus de 100 000 personnes, mais aussi des événements plus confidentiels comme le Balkan Film and Food Festival ou les Nuits de la Poésie.
Dans une ancienne usine textile reconvertie en centre culturel, des expositions contemporaines côtoient des ateliers de sérigraphie et des résidences d’artistes. « On veut créer un pont entre le passé et le futur », explique Aurel, curateur du lieu. « Korçë a une histoire forte, mais elle regarde aussi vers demain. »
Même les murs parlent. Dans le quartier de Rinia, des fresques colorées racontent des scènes de la vie quotidienne, des légendes locales, des rêves d’ailleurs. L’art de rue devient ici un langage commun, un trait d’union entre générations.
Entre montagnes et traditions
À quelques kilomètres du centre, les montagnes de Morava offrent un décor saisissant. L’hiver, elles se couvrent de neige et attirent les amateurs de ski de fond. L’été, elles deviennent le terrain de jeu des randonneurs et des cueilleurs de plantes médicinales.
« J’ai grandi ici, mais je découvre encore des coins que je ne connaissais pas », sourit Dritan, guide local. « Chaque sentier mène à une source, une chapelle, un panorama à couper le souffle. »
Dans les villages alentour, les traditions perdurent. On y fabrique encore le raki artisanal, on chante les polyphonies ancestrales, on cuisine le lakror, une tourte locale cuite sur des braises. Le temps semble suspendu.
Et pourtant, même là, quelque chose bouge. De jeunes agriculteurs se tournent vers l’agrotourisme, des maisons d’hôtes fleurissent dans les hameaux, des circuits écologiques voient le jour.
Une promesse discrète, mais irrésistible
Korçë ne cherche pas à séduire. Elle n’a pas besoin de slogans. Elle se révèle à ceux qui prennent la peine de l’écouter. Et c’est sans doute ce qui la rend si magnétique.
« Ce n’est pas une ville qui crie, c’est une ville qui chuchote », résume Ana, une photographe venue s’installer ici après un voyage. « Et une fois qu’on entend sa voix, on ne peut plus l’ignorer. »
Alors que l’Albanie s’ouvre de plus en plus au monde, Korçë pourrait bien devenir l’un de ses visages les plus attachants. Une ville à taille humaine, entre passé et avenir, entre montagnes et poésie.
Reste à savoir si elle saura conserver son équilibre fragile en attirant les regards. Et si son charme discret résistera à la lumière.
Il suffira d’y retourner pour voir.
L’auteur a utilisé l’intelligence artificielle pour approfondir cet article.

Originaire de Pristina, Fevza est une experte en géopolitique ayant travaillé avec plusieurs ONG internationales. Son expertise dans les relations internationales et les enjeux migratoires offre une perspective unique sur les dynamiques transfrontalières des Balkans.






Korçë, c’est un trésor caché. Son charme authentique et son ambiance unique m’ont touchée. J’aimerais y passer plus de temps.
Korçë, c’est un peu comme un café sans wifi : on prend le temps de savourer chaque moment. Qui aurait cru que l’Albanie avait tant à offrir ?