Dans une ruelle pavée de Sarajevo, l’odeur du pain chaud s’échappe d’une vieille boulangerie. À l’intérieur, un homme retourne des galettes dorées sur une plaque brûlante, pendant qu’une femme enveloppe délicatement des pains ronds dans du torchon. Ici, le pain n’est pas qu’un aliment : c’est une mémoire, un symbole, un lien entre les générations.
Des montagnes de Macédoine aux plaines de Serbie, les Balkans abritent des traditions boulangères aussi anciennes que leurs légendes. Chaque pain raconte une histoire. Certains se partagent lors des fêtes, d’autres accompagnent les repas quotidiens. Tous ont ce pouvoir unique : rassembler les gens autour de la table.
Voici cinq pains traditionnels des Balkans qui méritent d’être découverts, goûtés… et peut-être aimés à jamais.
1. Pogača, le pain des célébrations
Dans les foyers de Serbie, de Bosnie ou de Bulgarie, la pogača est bien plus qu’un pain. C’est un invité d’honneur lors des mariages, des baptêmes ou des fêtes religieuses. Rond, généreux, parfois orné de motifs tressés, il est souvent rompu à la main plutôt que coupé au couteau – un geste symbolique de respect et de partage.
“Ma grand-mère disait toujours que la pogača ne devait jamais être mangée seule,” confie Jelena, 38 ans, originaire de Novi Sad. “Elle réunissait toute la famille autour de la table, même quand on n’avait pas grand-chose à manger.”
La recette varie selon les régions : certains y ajoutent du yaourt, d’autres du beurre ou de l’huile. Mais la texture reste moelleuse, presque briochée, et la croûte dorée à souhait. On la sert chaude, souvent accompagnée de fromage frais ou de confiture maison.
2. Somun, l’âme du ćevapi
À Sarajevo, il est impensable de manger des ćevapi sans leur fidèle compagnon : le somun. Ce pain plat, semblable à une pita mais plus épais et moelleux, est cuit dans des fours à bois à très haute température. Résultat : une croûte légèrement croustillante, un intérieur aérien, et ce parfum de feu de bois qui évoque immédiatement les ruelles des bazars ottomans.
“Quand le somun sort du four, il faut le manger tout de suite,” explique Amir, boulanger à Baščaršija. “Sinon, il perd sa magie.”
Le somun est souvent parsemé de graines de nigelle, qui ajoutent une touche poivrée. Il est fendu en deux, rempli de viande grillée, d’oignons crus et parfois d’une cuillère de kajmak – une crème épaisse et salée. Un en-cas simple, mais inoubliable.
3. Proja, le pain de maïs des jours modestes
Moins connu en dehors des Balkans, la proja est un pain rustique à base de farine de maïs. Il était autrefois le pain du pauvre, préparé dans les campagnes serbes et monténégrines lorsque le blé venait à manquer. Aujourd’hui, il est devenu un incontournable des repas familiaux.
La proja se présente souvent sous forme de petits carrés dorés, croustillants à l’extérieur, tendres à l’intérieur. On y ajoute parfois du fromage blanc, des poivrons ou même des herbes sauvages.
“C’est le goût de mon enfance,” sourit Marko, 62 ans, originaire de Niš. “Ma mère le faisait cuire dans un vieux four en terre. On le mangeait avec du yaourt, et c’était un festin.”
Riche en saveurs, sans gluten et très nourrissant, la proja séduit aujourd’hui une nouvelle génération de gourmands en quête d’authenticité.
4. Lepinja, le pain de rue
Dans les marchés de Croatie, de Serbie ou de Macédoine, la lepinja est omniprésente. Ce pain rond, souple et légèrement gonflé est la base de nombreux sandwichs de rue. On le trouve garni de viande grillée, de fromage fondu ou simplement tartiné de kajmak.
“Chaque ville a sa version,” note Ana, une blogueuse culinaire originaire de Skopje. “À Belgrade, elle est plus fine. À Zagreb, elle est plus dense. Mais partout, elle sent bon la rue et la vie.”
La lepinja se prépare avec peu d’ingrédients – farine, eau, levure, sel – mais demande un tour de main précis pour obtenir sa texture unique. Elle est souvent cuite sur une plaque très chaude, ce qui lui donne ces petites taches brunes caractéristiques.
C’est un pain qui se mange sur le pouce, debout, au coin d’un kiosque, avec les doigts encore gras et le sourire aux lèvres.
5. Česnica, le pain des vœux
Chaque Noël orthodoxe, dans les foyers de Serbie et de Bosnie, on prépare la česnica. Ce pain rond, parfois décoré de symboles religieux, cache en son cœur une pièce de monnaie. Lors du repas, chaque convive en reçoit un morceau. Celui qui trouve la pièce est censé avoir chance et prospérité pour l’année à venir.
“C’est un moment solennel,” raconte Milica, 45 ans, de Kragujevac. “On éteint la télé, on se tient les mains, et on rompt le pain ensemble. Même les enfants deviennent silencieux.”
La česnica se prépare avec soin. Certains y ajoutent du miel, d’autres des noix ou des raisins secs. Elle est parfois tressée, ou marquée d’une croix. Elle ne se mange qu’une fois par an, mais son souvenir reste longtemps.
Ce pain incarne à lui seul la profondeur des traditions balkaniques, où la nourriture est toujours liée à un rituel, une croyance, un espoir.
Une richesse discrète, à portée de main
Les pains des Balkans ne cherchent pas à impressionner. Ils n’ont pas la sophistication d’une baguette française ou le prestige d’un pain au levain italien. Et pourtant, ils touchent quelque chose de plus profond.
Ils racontent des histoires de familles, de villages, de fêtes modestes et de souvenirs tenaces. Ils sont façonnés avec des gestes transmis depuis des siècles, souvent sans recette écrite. Ils sont l’expression d’un peuple qui a connu les épreuves, mais a su préserver l’essentiel : le goût du partage.
Alors, la prochaine fois que vous voyagez dans les Balkans – ou que vous passez devant une boulangerie balkanique à Paris, Lyon ou Bruxelles – poussez la porte. Demandez un somun, une proja ou une pogača. Et laissez-vous surprendre.
Car parfois, c’est dans les pains les plus simples que se cachent les plus grandes émotions.
Quel goût aurait votre enfance si elle était un pain ?
L’auteur a utilisé l’intelligence artificielle pour approfondir cet article.

Originaire de Pristina, Fevza est une experte en géopolitique ayant travaillé avec plusieurs ONG internationales. Son expertise dans les relations internationales et les enjeux migratoires offre une perspective unique sur les dynamiques transfrontalières des Balkans.






Ces pains racontent vraiment des histoires. Ils rassemblent les gens et font partie de notre culture. J’adore cette simplicité qui cache tant d’émotions.
La proja, un pain de maïs, c’est comme un voyage dans le passé. Qui aurait cru qu’un bout de pain pouvait raconter tant d’histoires ?